Un premier titre qui fleure bon le refrain immédiat, le machin qui vous
rentre direct dans la caboche. Ben oui, c'est tout KISS ça. Eh,
attention les mecs, vous avez quand même affaire à ceux qui ont écrit
"Rock'n Roll All Nite", "Hotter Than Hell" et autres "I Was Made For
Loving You". Nous sommes en 1987, KISS a toujours perdu ses masques mais
le hard/heavy US crache sur le marché des tonnes de nouveaux groupes de
jeunes loups qui essaient à grands coups de refrains fédérateurs, de
mélodies faciles et de coupes permanentées de se faire une place sous le
soleil californien. Alors KISS, le grand aîné, s'est lancé dans le
créneau depuis 2 albums déjà où son heavy rock'n roll énergique "made in
USA" s'est muté, sous l'influence de Paul Stanley essentiellement dans
un hard US plus mainstream et acidulé afin de séduire minettes et minets
fans de décibelles. Asylum, disque de très bonne tenue avait montré la
voie. Crazy Nights va pousser encore plus loin le groupe vers la
catégorie Hard FM/A.O.R. (au choix).
Au printemps 1986, l’Asylum Tour se termine pour KISS. Une tournée
marathon dont les 4 musiciens sortent heureux mais fatigués. Il faut
dire que la cadence n’a pas vraiment ralenti ces dernières années et il
est grand temps de prendre un peu de repos. C’est presque une bonne
grosse année sabbatique que s’accorde KISS, chose très rare dans leur
carrière. Début 1987, KISS se rend à Los Angeles pour rencontrer le
producteur Ron Nevison. Celui-ci a travaillé avec des pointures du hard
mélodique telles U.F.O., HEART, SURVIVOR et dernièrement l’album The
Ultimate Sin d’Ozzy Osbourne. A l’heure où les succès de BON JOVI et
d’EUROPE mettent en première ligne les mélodies acidulées, les
productions lisses et les permanentes, KISS serait idiot de passer à
côté. MOTLEY CRUE avec Girls, Girls, Girls l’a bien compris.
Lors de la phase de composition, Paul Stanley, responsable encore une
fois de la majorité des compositions ici et initiateur du tournant plus
hard US/FM du groupe depuis quelques années met Gene Simmons devant ses
responsabilités. Le bassiste/chanteur/compositeur/co-fondateur du groupe
promet de revenir à une participation un peu plus active au sein du
combo. Malgré tout, sur les 11 titres, 7 portent la marque de Stanley et
4 seulement de Simmons. C’était sans compter sur Bruce Kulick, dernière
recrue du groupe qui participe également à l’écriture en co-signant 4
titres. Pas mal de compositeurs extérieurs néanmoins encore une fois,
dont l’éminence Desmond Child (sur la ballade « Reason To Live »
notamment) ou Adam Mitchell (co-signataire du titre-phare de l’album, «
Crazy Crazy Night »).
D’ailleurs, on en vient aux singles. Des singles qui ont probablement
compté dans la succès de cet album. 3 titres emblématiques du KISS sage
et raffiné de 1987 dont les clips ont tourné en rotation sur MTV. On
s’apercevra d’ailleurs que les 4 hommes ont troqué foulards, rimmel et
couleurs de l’ère 1984-1985 pour revenir plus sobres avec les apparats
de rockers : blousons et pantalons en cuirs … tout comme MOTLEY CRUE
avec Girls, Girls, Girls (encore) et finalement on se demande si les
KISS n’a pas pris pour modèle son benjamin. Car il faut bien avouer que
depuis 1983, KISS change de look quasiment au même moment que le groupe
de Nikki Sixx. Les clips de KISS montrent un groupe sûr de lui,
séducteur et jouant sur scène devant des milliers de fans. Le single «
Crazy Crazy Nights » est immédiat avec son refrain bon enfant et ses
chœurs, où Paul Stanley en première ligne encourage les fans à ne pas se
laisser abuser par les bien-pensants, de choisir sa vie, de garder ses
convictions et de s’y tenir, quoique les autres en pensent. Le titre est
un véritable carton et KISS s’envole dans les charts internationaux.
Les 2 autres singles sont la power-ballade « Reason To Live ». Une
ambiance feutrée, un Paul sensuel qui chante avec émotion sur les
couplets et un refrain plus intense. Titre servi par un clip où une
créature de rêve s’enfuit dans la nuit après avoir mis le feu à sa
maison. Il y a aussi le plus heavy-rock « Turn On The Night » hyper
accrocheur avec ce clip où KISS joue en haut d’un gratte-ciel et où Gene
Simmons fait les yeux doux à une blondinette qui se trémousse au
premier rang. A côté de tout ça, d’autres très bonnes chansons, d’autres
plus passables … mais surtout le sentiment que de précurseur, le combo
New-Yorkais devient suiveur. Le sentimentalo-héroique mais dynamique «
I’ll Fight Hell To Hold You » permet à Paul Stanley de rouler encore un
peu plus des mécaniques. Idem pour le plus groovy « Bang Bang You » avec
ses paroles profondes qu’on ne doute pas que c’est KISS qui les a
écrites (« I’ll shoot you down with my Love Gun baby », mdr … comme quoi
Desmond Child arrive à s’adapter).
« No, No, No » re-énerve un peu le tout, introduit par la guitare fluide
et volubile de Bruce Kulick qui s’affirme de plus en plus. « Come Hell
Or High Water » revient dans un heavy plus carré. Ces 2 titres sont
chantés par Gene Simmons. « My Way » laisse un gout amer dans la bouche
... le couplet qui est plutôt pas mal et bien chanté par Paul sauve du
naufrage cette chanson introduite par des claviers cul-cul (et pompés
sur le VAN HALEN de la même époque, cf. « Dreams ») et au refrain bof.
Les titres restants sont sympathiques mais n'ont pas l'impact que
pouvaient avoir ceux des albums précédents. « When Your Walls Come Down »
est enjoué, « Good Girl Gone Bad » possède un joli phrasé de guitare
mais semble décidément trop lisse pour un titre co-écrit par Gene
Simmons et « Thief In The Night » propose une fin gentille mais sans
réel panache
Il resort de l'écoute de Crazy Nights un sentiment un peu mitigé. Il y a
de bons titres mais l'album est à mon sens un poil plus fade et moins
personnel que tout ce que KISS a réalisé jusque là. L'ensemble sonne un
peu trop "aseptisé" à mon goût. De plus, en se tournant trop vers des
compositeurs/collaborateurs extérieurs qui pourraient tenter de fondre
KISS dans la masse, le groupe new-yorkais aurait tendance à devenir un
peu transparent dans le paysage hard FM/AOR de l'époque. En 1987, KISS
a-t-il déjà tout dit pour essayer de se frayer un chemin entre un BON
JOVI qui atteint son heure de gloire et un VAN HALEN (époque Sammy
Hagar) qui délaisse l'impact de la 6 cordes pour les claviers guimauves ?
Même Gene Simmons a perdu de son mordant et a troqué son timbre
rocailleux pour enfiler des gants de velours. Crazy Nights est un
instantané de l'époque : un bon album dans le vent mais loin d'être le
plus inspiré du groupe. Gros succès commercial cependant, tant du point
de vue de l’album que des singles et un passage en bonne position sur
l’affiche des Monsters Of Rock de Castle Donington de 1988.
POWERSYLV ALANKAZAME (2 chroniques)- Paul Stanley (guitare, chant)- Gene Simmons (basse, chant)- Bruce Kulick (guitare)- Eric Carr (batterie)1. Crazy Crazy Nights2. I'll Fight Hell To Hold You3. Bang Bang You4. No, No, No5. Hell Or High Water6. My Way7. When Your Walls Come Down8. Reason To Live9. Good Girl Gone Bad10. Turn Of The Night11. Thief In The Night