JUST KID PATTI SMITH
"Je peux encore me connecter à la personne que j'ai été à tous les âges de ma vie, depuis l'enfance jusqu'à aujourd'hui. En fait, depuis que j'ai commencé à lire des livres. A partir du moment où j'ai lu, j'ai su que je voulais écrire. Dès que j'ai réalisé que des êtres humains avaient fait de l'art, que c'était une façon de contribuer à la société, j'ai su que je voulais être artiste. Ma mère travaillait dur comme serveuse, elle faisait en plus du repassage pour les autres. Mon père était ouvrier. J'ai grandi dans un quartier très pauvre du sud du New Jersey, où les gens étaient tous des travailleurs manuels qui s'épuisaient à la tâche. Très jeune, j'ai décidé que cette vie n'était pas pour moi, que je contribuerai à la société par l'art. Dans ce sens, je n'ai pas changé."
Patti Smith parle doucement, calmement. On est dans un des salons du Théâtre de l'Odéon, où elle donnera une performance le soir même. Cheveux longs, lâchés, jeans troués, veste d'homme oversize, bonnet, elle est, à 63 ans, d'une simplicité et d'une sincérité touchantes, elle qui, contrairement à d'autres, se souvient d'où elle vient, fidèle à elle-même, celle qu'on avait baptisée la marraine du punk-rock.
A l'heure où Keith Richards sort ses mémoires, Life, sous embargo et avec plan média, n'acceptant que des press junkets, ayant eu recours à un nègre pour les écrire, l'âme vraie du rock est plus que jamais incarnée par une Patti Smith parlant de son livre, le très beau Just Kids, qui sort sans le ridicule du star system.
Le rock, dans ce livre, elle en parle, très peu - d'ailleurs le récit s'achève avec ses premiers concerts au CBGB et l'enregistrement de son premier album en 1975, Horses.
Just Kids tient avant tout du roman d'initiation : c'est la Patti arrivée à New York en 1967, après avoir confié son bébé qu'elle a eu trop jeune à une famille d'accueil, qu'elle a choisi de raconter. La genèse de celle qui allait devenir la Patti Smith que l'on connaît.
Elle débarque à New York sans argent, vit dans la rue, travaille chez Brentano's, rencontre Robert Mapplethorpe, celui qui allait devenir l'un des plus grands photographes américains, passe son temps avec lui à dessiner et écrire, à s'aimer. Just Kids s'ouvre et se ferme sur sa mort, en 1989, du sida.
"A l'évidence, il ne s'agit pas d'un livre rock'n'roll. Le jour précédent la mort de Robert, je lui avais promis d'écrire un livre sur notre amitié, l'amour que nous nous portions. Donc mon but n'était pas d'écrire sur le rock. Ma route m'a menée au rock'n'roll, mais avant il y a eu Robert. Je voulais aussi écrire un livre sur la loyauté, la découverte de soi, que ce soit à travers la poésie, le rock ou la photographie. Et que cela inspire d'autres générations. Car même si Robert est mort jeune, du sida, il n'était pas autodestructeur. Nous voulions tous les deux vivre."